Avec la réforme territoriale actuellement en cours de discussion, le gouvernement a mis en place une stratégie. Une stratégie froide, réfléchie, implacable. Une stratégie, non pas de mise en danger, mais de mise à mort des collectivités et des élus locaux. Une stratégie en 4 actes.
Acte 1, l’attaque contre l’autonomie financière des collectivités locales. En supprimant la taxe professionnelle pour la remplacer par une dotation de l’Etat, c’est une véritable « laisse » que le gouvernement a attachée au cou des élus locaux.
Et une « laisse » déjà trop courte puisque, dès cette année, 10 à 20 millions d’euros manqueront à la Seine-Saint-Denis en compensation de la taxe professionnelle.
Ce qui est insidieusement demandé aux élus locaux, c’est de substituer aux gains issus d’un impôt sur les entreprises, une augmentation de la fiscalité sur les ménages. C’est inacceptable.
Acte 2, l’offensive sur les moyens. En refusant de compenser le coût de dépenses effectuées par les collectivités pour le compte de l’Etat, le gouvernement choisit de rompre avec la solidarité nationale pour créer des mini-solidarités locales soumises aux aléas des territoires.
Vous êtes un département vieux ? Alors le coût de l’allocation personnalisée d’autonomie vous ruinera !
Vous êtes un département pauvre ? Alors le coût du RMI-RSA vous emportera !
Depuis 2004, ce sont 640 millions d’euros que nous doit l’Etat au titre des transferts de compétences non compensés.
Acte 3, la « contravention pour infraction non-commise ». En effet, dans le cadre de sa politique fiscale dont on connait les ravages et les intérêts qu’elle sert, le gouvernement Raffarin avait institué le ticket modérateur – sorte d’amende infligée aux départements dont le taux de taxe professionnelle est supérieur à la moyenne.
Ce ticket modérateur était déjà injuste hier car il pénalisait les départements qui avaient beaucoup de dépenses sociales et peu de recettes. Il relève aujourd’hui carrément de la démence fiscale puisque l’Etat nous réclame, pour 2010, une amende de 36 millions d’euros au nom d’une taxe professionnelle qui n’existe plus.
Et, tenez-vous bien, la démence ne s’arrête pas là : les Hauts-de-Seine, qui comportent deux fois moins de Rmistes que la Seine-Saint-Denis, sont exonérés de ticket modérateur.
Acte 4, la réforme territoriale. Là, il s’agit en toute simplicité de supprimer les départements. Le gouvernement le justifie en pointant du doigt le coût soi-disant faramineux des élus locaux et les économies prétendument colossales que représenterait la division de leur nombre par deux. D’où la création des futurs Conseillers territoriaux, sortes d’élus locaux aux penchants schizophrènes, départementalistes le matin, régionalistes l’après-midi.
Face à cette stratégie, le Conseil Général a décidé d’inscrire en recettes les 75 millions d’euros que lui doit l’Etat :
* 10 millions au titre de la suppression de la taxe professionnelle non intégralement compensée,
* 36 millions au titre du ticket modérateur,
* 29 millions au titre de ce qu’il manque pour verser l’APA, la PCH et le RMI-RSA au nom de l’Etat.
Ces 75 millions inscrits en recettes, ce n’est pas de la désinvolture. C’est un message clair et puissant adressé par la Seine-Saint-Denis au gouvernement : « la balle est dans votre camp ; remboursez votre dette ou prenez vous-même la responsabilité de coupes insupportables dans notre budget ». Si l’Etat ne tenait pas ses engagements, le département devra supprimer le remboursement de la carte Imagin’R, l’aide à l’acquisition d’un ordinateur pour les collégiens de 6ème et de nombreuses subventions aux associations de nos quartiers. D’ici l’été, nous saurons si l’Etat continue dans la voie de l’étranglement des collectivités locales ou si l’action déterminée du département de la Seine-Saint-Denis aura permis d’avancer.
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